Justice

La plainte déposée à Paris par l’avocat des Bongo contre les diplomates français à Libreville

Il existe des affaires qui révèlent beaucoup sur l’état du monde dans lequel nous vivons. L’ancienne première dame du Gabon, Sylvia Bongo, et son fils aîné, Noureddin Bongo Valentin, font actuellement face à des accusations graves portées par la justice gabonaise, incluant corruption, détournements de fonds publics, et faux en écriture. En d’autres termes, les charges sont lourdes. Rien de très surprenant dans un contexte où la chute d’un régime s’accompagne souvent d’une grande purge judiciaire. Cependant, l’affaire prend une tournure étonnante : la France, généralement si respectueuse des souverainetés africaines quand il s’agit de fermer les yeux sur certaines exactions, se retrouve cette fois interpellée de manière inhabituelle.

L’avocat de la famille Bongo, Pierre-Olivier Sur, a en effet déposé une plainte en France, visant les diplomates français à Libreville, pour “non-dénonciation de crime”. Selon lui, l’ambassadeur de France ainsi que le Quai d’Orsay auraient dû prendre position face aux conditions indignes dans lesquelles se trouvent Sylvia et Noureddin Bongo depuis plus de 18 mois. On imagine aisément l’agitation dans les bureaux du ministère français des Affaires étrangères, tentant de trouver une justification légale pour intervenir dans cette procédure judiciaire gabonaise.

Gabonais quand ça arrange, Français quand ça dérange

Revenons à la réalité. Bien que Sylvia Bongo soit née en France, elle a acquis la nationalité gabonaise par son mariage. Quant à son fils Noureddin, il a toujours vécu comme un prince au Gabon, exerçant une autorité sur les affaires de l’État qui aurait fait pâlir nombre de ministres en activité. Quand ils s’adonnaient à des pratiques de détournement des fonds publics, c’était au Gabon, sous le couvert d’un pouvoir qu’ils croyaient inaltérable. L’argent détourné était-il destiné à améliorer la vie des citoyens français ? Certainement pas.

Dès lors, il est légitime de se demander pourquoi la France devrait aujourd’hui se soucier de leur situation. Les milliers de Gabonais victimes du régime Bongo n’ont jamais bénéficié d’une telle attention. Aucune personnalité de renom ne s’est levée pour dénoncer les conditions de détention des opposants politiques, des activistes, ou des journalistes emprisonnés sous la dynastie Bongo. Mais dès que les puissants d’hier se retrouvent dans la disgrâce, on constate subitement que les cellules sont trop humides, le confort est insuffisant, et que la justice gabonaise… est gabonaise.

Le procès du Gabon… à Paris ?

Cette affaire illustre à merveille la diplomatie sélective à la française. En mai 2024, les avocats des Bongo avaient déjà déposé plainte pour “séquestration aggravée par des actes de torture et de barbarie” en France, provoquant l’ouverture d’une enquête au pôle antiterroriste de Paris. Un moment fort de bravoure juridique, puisque cela impliquerait désormais que les tribunaux français jugent des actes commis sur un territoire souverain, par une justice souveraine, contre des citoyens gabonais.

Il serait intéressant de comprendre : la France, qui n’a jamais pris position pour la libération de Florence Cassez au Mexique ou pour des détentions injustifiées de Français en Chine, devrait-elle maintenant intervenir dans les affaires internes du Gabon ? Ce serait une première. Quand il s’agit de dignitaires africains aux poches bien remplies, on semble soudainement vouloir réécrire les règles.

Une justice qui dérange ? Changeons de justice !

Cette situation met en lumière une réalité que beaucoup préfèrent ignorer : certaines élites africaines n’ont jamais cru aux institutions de leur propre pays. Quand elles détiennent le pouvoir, elles façonnent ces institutions à leur image, les manipulent et les utilisent à leurs fins. Mais dès que leur pouvoir se fissure, elles crient à l’injustice et cherchent protection sous l’aile de l’ancien colonisateur.

Sylvia et Noureddin Bongo sont désormais confrontés à une justice qu’ils n’avaient pas anticipée. Loin du Gabon qu’ils dirigeaient avec désinvolture, ils découvrent que le passeport français ne garantit pas une immunité absolue. Cependant, l’initiative de leur avocat montre bien que pour certains, la souveraineté gabonaise n’est utile que lorsqu’elle protège, mais devient secondaire dès qu’elle condamne.

En fin de compte, cette plainte déposée en France soulève une question essentielle : le Gabon est-il encore maître de son destin, ou doit-il rendre des comptes à une justice étrangère ? Si Paris s’immisce dans cette affaire alors que la justice gabonaise suit son cours, il ne s’agit plus de droit, mais bien de néocolonialisme judiciaire. À moins que la France ne veuille aussi juger l’affaire des 85 millions d’euros détournés sous la présidence d’Ali Bongo ? Mais là, bizarrement, personne ne réclame justice.


 

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