Hommage ou manœuvre politique ? Le changement de nom de l’aéroport de Port-Gentil fait débat

L’aéroport international Ali Bongo Ondimba de Port-Gentil a officiellement changé de nom. Réuni le 20 février en Conseil des ministres, le gouvernement a décidé de lui attribuer une nouvelle appellation en retirant le nom de l’ancien chef de l’État. Il porte désormais celui de Joseph Rendjambe Issani, un illustre homme politique gabonais et premier Secrétaire général du Parti gabonais du progrès (PGP) en 1990.
Si certains se réjouissent de cette décision, d’autres estiment qu’elle « ne change pas le quotidien des Port-Gentillais », comme l’expriment plusieurs internautes.
Une reconnaissance historique
Le Conseil des ministres, présidé par Brice Clotaire Oligui Nguema, a entériné ce changement, motivé par la volonté d’honorer une figure marquante de l’histoire nationale. Jadis désigné sous le nom d’Ali Bongo Ondimba, cet aéroport modernisé sous l’ancien président rend désormais hommage à un acteur politique ayant joué un rôle clé dans la transition démocratique du Gabon.
L’annonce a suscité des réactions contrastées au sein de l’opinion publique. Certains considèrent ce changement comme une tentative d’effacer Ali Bongo de l’histoire du pays, tandis que d’autres y voient une mesure légitime et symbolique.
Joseph Rendjambe Issani : une figure de la démocratie gabonaise
Né le 31 mai 1939 à Omboué, dans la région du Fernan Vaz, Joseph Rendjambe Issani fut un universitaire, chef coutumier et militant politique. Enseignant en économie du développement, il a également occupé plusieurs postes à responsabilité. Son engagement pour la démocratie multipartite et sa position critique envers le régime d’Omar Bongo en ont fait une figure de l’opposition.
Son décès, survenu le 23 mai 1990 dans une chambre d’hôtel de Libreville, reste marqué par des circonstances mystérieuses. Cet événement avait provoqué une vague de contestation à Libreville et Port-Gentil, entraînant des émeutes et la destruction de l’ancien hôtel Dowé. Malgré un couvre-feu, les manifestations s’étaient poursuivies, dénonçant une implication présumée du régime en place.
Un hommage qui divise
Si certains considèrent ce changement comme un acte de reconnaissance mérité, d’autres y voient une décision tardive motivée par des considérations politiques. Certains observateurs n’hésitent pas à pointer du doigt une mesure « populiste », prise à l’approche de l’élection présidentielle.
L’enseignant-chercheur Jean Paul Rékanga note ainsi qu’il aurait « applaudi cette initiative à une autre époque », mais que son timing électoraliste l’amène à s’interroger sur les véritables intentions du gouvernement.
Une priorité pour les Gabonais ?
Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes s’interrogent sur la pertinence de ce changement : « Ce n’est pas ce que le peuple veut », souligne l’un d’eux, appelant plutôt à des mesures concrètes en faveur de la sécurité, de l’emploi et de la justice sociale. Un autre déplore un acte « trop longtemps attendu », ajoutant que d’autres édifices, comme le Camp de Gaulle, restent encore marqués par des noms de l’époque coloniale.
D’autres voix, plus optimistes, saluent toutefois cette mesure comme une reconnaissance posthume méritée. « Rendjambe a été un martyr de la démocratie », affirme ainsi un observateur. Un autre estime que cette action doit être suivie d’améliorations concrètes de l’aéroport : « Il reste à rendre cet aéroport vraiment international ».
Une mémoire préservée, mais une interrogation persistante
Alors que l’aéroport de Port-Gentil porte désormais le nom de Joseph Rendjambe Issani, la mémoire de ce dernier est ainsi honorée par l’État. Toutefois, la question demeure : ce changement est-il une reconnaissance sincère ou une simple stratégie politique en vue des prochaines élections ?